«
Il est inutile de fuir ses faiblesses, il faut les affronter ou périr,
Et quitte à les affronter autant le faire tout de suite et aussi
Directement que possible. »
Australie, Brisbane… Dans une demeure prestigieuse, une petite fille jouait dans le jardin, sous un merveilleux soleil. « NEVAEH JUDE HARRISSON, viens ici tout de suite… » Tranquillement installée dans le jardin, pratiquant ce que j’appelle désormais une chirurgie réparatrice sur ma poupée Barbie fraichement achetée, j’entendis les hurlements de ma mère. Pas très grande à cette époque-là, je restais cachée derrière le buisson du jardin ne voulant pas recevoir les foudres de ma mère. Hors, cette dernière était bien décidée à me retrouver. Je l’entendis descendre les escaliers de notre maison, laissant claquer ses talons sur les pierres avant d'hurler une seconde fois mon prénom en entier. Je devais avoir 8 ans, par là, je ne sais exactement mais j’étais bien décidé à la faire courir un peu, après tout, je n’étais pas pressée de me prendre une engueulée. Elle me chercha un long moment et ce fut mon éternuement incontrôlé qui lui permit de me retrouver, maudite allergie. Bref, une fois sortie de ma cachette, je posais les yeux sur ma mère, rouge de colère, tenant dans ses mains l’une de mes robes. Très joli spécimen du genre, des grosses fleurs, joliment orné de dentelles, très fifille à son papa. Malheureusement, suivant le point de vue, elle arborait un très joli découpage au niveau de son ventre. Une de mes créations, mais ma mère me toisa de son regard avant de poser l’ultime question.
« Qu’est-ce que tu as fais à ta robe ? » Lui expliquer que je n’étais pas faites pour ce genre de robe, même à l’époque était une mauvaise idée, j’optais pour la seconde solution, détourner la vérité.
« Bidule avait besoin d’une nouvelle garde robe ! Tu verras il est très joli maintenant… » Bidule, c’était notre chat, mais je n’eus pas le temps de lui expliquer ma merveilleuse création que sa main rencontra avec violence ma joue. Clap… La douleur me brulant les yeux, je fis un effort surhumain pour ne pas lâcher mes larmes en vue de la violence de cette gifle.
« Petite sotte ! Cette robe vaut une fortune ! » Je m’en fichais… Me pinçant les lèvres, ce fut la première fois de toute mon existence que je compris que c’était fini de ma mère, du respect que je pouvais avoir pour elle… Ce souvenir reste marquant dans mon esprit et depuis, je me suis jurée qu’une chose la rendre chèvre, quoique je puisse dire. Elle continuait de m’insulter dans ce jardin, puis son regard se posa sur ma poupée Barbie qui se retrouvait borne et les cheveux coupés très court, CLAC… Fut ma seconde claque de la journée, elle était vraiment en colère… Cette fois-ci les larmes coulèrent le long de mes joues, et serrant fort les poings je me taisais sur tout cela, même si je voulais hurler, hurlé contre cette femme que je ne reconnaissais plus.
« FILES dans ta CHAMBRE ! Je n’en ai pas fini avec toi ! » Sans broncher, je fis demi tour et montais les escaliers de la maison croisant mon père. Il m’observa silencieux comme toujours, dégageant une forte odeur de parfum féminin de bon marché, ce n’est que bien plus tard que je compris ce qui se passait. Mon père, avait une maitresse et à moins d’être sotte, ma mère était au courant. Mais ne voulant pas faire scandale par un divorce et perdre toute sa fortune elle ferma les yeux. J’aurai pu avoir de la pitié pour cette femme, il n’en fut rien, je la détestais pour ce qu’elle était. L’apparence était la seule chose qu’elle affectionnait, et moi rien que pour la rendre verte, je faisais tout le contraire… Dés mes 8 ans, je faisais en sorte de malmener les vêtements qu’elle achetait, de fréquenter les personnes qu’elle n’aimait pas, de devenir la fille qu’elle détestait plus au monde. Elle avait qu’à se battre au lieu de baisser les bras face à un mari infidèle, je lui en veux toujours et ce fut bien pire, quelques années plus tard, mais là est une autre histoire.
Vous l’aurez compris, je suis née et j’ai vécu à Brisbane, dans une famille riche mais qui ne connaissait pas a priori le mot amour. J’appris bien plus tard, qu’ils se sont aimés, tous les deux, quand ils étaient jeunes, avant de perdre son premier enfant. En effet, ma mère tomba enceinte deux ans avant ma naissance, un garçon, le garçon que mon père chérissait, mais malheureusement, il est mort à la naissance, laissant une mère anéantie, un père inconsolable. Le docteur leur avait conseillé d’avoir un autre enfant, c’est ce qu’ils firent, mais malheureusement, je n’étais pas l’enfant attendu… On ne choisit pas sa famille, mais ses amis… Si…
« On aime pas assez ceux qui compte tellement pour nous »Un petit parc de Brisbane, deux jeunes adolescents posés près des balançoires, bavassent sous un ciel menaçant, un temps agréable néanmoins.
« Dans la phrase, regarde-moi ! Quel est le mot que tu ne comprends pas, Lukà ? » Je tenais fermement mon appareil photo entre mes mains essayant en vain de le prendre en photo. C’est le plus beau souvenir que je garde de nous, nous sommes dans un petit parc, près des balançoires, je dois avoir 16 ans et j’essaye de le faire sourire, il ne veut pas, quelle tête de mule ! Mon meilleur ami, le seul a me comprendre sans que je ne dise le moindre mot. On ne va pas vous faire un remake de ses séries pour Ado où les meilleurs amis du monde s’aiment en secret, on n’est pas né dans ce monde-là. Mais je dois l’admettre parfois, quand je me sens bien dans ses bras et qu’il me rappelle combien je suis agréable derrière mon caractère de cochon, je me dis que peut-être nous sommes plus que des amis qui se chamaillent et ça depuis notre enfance… Mais, la réalité des choses me frappe de plein fouet, mon meilleur ami, une amitié a ne pas perdre bêtement pas des coucheries et autres. Notre rencontre, je m’en rappelle comme si c’était hier, j’en ris aussi… Un destin nous était déjà tout tracé… Petite école, je jouais aux billes avec les garçons de la cours, une fois la partie de billes terminée, j’entendais cet imbécile de Chuck parler de Lukà qui en imposait par son âge, deux ans de plus à l’époque, croyez-moi, ça se remarque. Il hurlait haut et fort qu’il pourrait mettre chaos le dit garçon, quel imbécile celui-là ! J’eus beau le défier, il ne bougeait pas de son banc, moi n’écoutant que mon orgueil d’une fillette haut comme trois pommes, j’avançais vers Lukà et le poussais de toute mes forces pour le faire tomber. Il m’agrippa par le bras et on tombait tous les deux sur le sol. Au lieu de brailler inutilement nous fumes pris par un fou rire, incontrôlable… Le début d’une longue et très belle amitié…
Quoique ? Pouvons-nous dire que Lukà est une personne agréable… Bien sur que oui, on a grandit ensemble, comme les deux doigts d’une main, on a fait des conneries ensembles, on a fait criser ma mère plus d’une fois, voyant en lui qu’un petit délinquant, si elle savait. Et là, nous sommes dans ce parc, et j’essaye de le prendre en photo. D’ordinaire, il se laisse faire me laissant parfois faire beaucoup de choses mais monsieur n’est pas d’humeur, tant pis, je pose mon appareil photo et je plonge vers lui le planquant contre l’herbe. Allongé sur son corps, je passe ma main dans ses cheveux souriant de plus belle. Puis assez sérieusement, je pris une voix plus grave, ressemblant de bien trop prêt à celle de ma mère quand cette dernière me sermonne.
« Quand cesseras-tu de fréquenter cet adolescent sans avenir ? » Je ne lui laissais pas le temps de répondre que mon appareil non loin de moi, je le pris en photo, comme je l’aimais tant, par surprise. Il avait l’expression de son visage que j’aimais tant. Puis, avant que ce dernier ne hausse la voix pour me réprimander, je lui donnais son livre…
« Continue ta lecture. » Et en toute insouciance, je plaquais mes bras contre son torse triturant son vieux T-shirt de mes doigts. Proche de lui, comme toujours, nos moments étaient si simples et agréables, une bouffée de bonheur avant de rentrer chez moi et supporter ma mère et ses crises. J’ai très rapidement quitté le domicile parental, une fois le diplôme en poche, je ne pouvais continuer de la supporter, elle et ses crises de morale. Cela empirait de jours en jours, à chaque fois que mon père partait en déplacement, moi ? J’existais enfin, même si j’avais encore la corde au cou en suivant les cours de droit. Le droit ? Qui aime cela, bon dieu que j’aurai aimé avoir un petit frère, ma mère pourrait enfin se calmer sur ma personne, mais là encore, j’avais peu d’espoir, je ne voulais pas que quelqu’un d’autre subisse mon trépas quotidien… Je suis parfois forte par mes propos, mais ma mère est une femme hors norme, qui me pourrit la vie.
Puis il y a eu le reste… Ses six derniers mois, surement les plus dur d’une existence sommes toute banale, la mienne, mais difficilement gérable je dois avouer…
« Quelqu’un m’a dit un jour qu’on ne reconnaissait pas les moments de notre vie qui resteront marqués à jamais dans notre esprit. Qu’on les vit suivant nos envies avec une certaine indifférence, se souciant gère de ce qui pourrait nous entourer, ne prenant pas conscience de ce que nous vivons. Cette personne n’avait pas tout à fait tort… Nous ne vivons pas assez dans le moment présent, pourtant nous sommes les seuls maîtres de notre destin, à nous de déjouer tous les pièges de la vie. »
Une jeune fille dans le couloir d’un hôpital, attendant patiemment des nouvelles de la seule personne qui compte réellement dans sa vie, les soubresauts secouent son faible corps, avant que les larmes inondent sans ménagement son visage cristallin.J’étais tranquillement allongée sur mon lit, la tête ailleurs… Un des effets de la bière que j’avais bu durant la soirée, je ne sais pour qu’elle raison, je tenais mon téléphone à la main, somnolant presque quand on frappa bruyamment à ma porte. Au début, ma première pensée fut pour cette voisine, enquiquinante qui trouvait toujours une excuse même à 4 heures du mat’ pour me pourrir la vie, je bougonnais toute seule, cherchant le sommeil une seconde fois. Mais les coups sur la porte se rajoutèrent à ma sonnerie, stridente… Levée au radar, légèrement à l’ouest, je tâtonnais jusqu’à ma porte pour l’ouvrir. Mon sang se glaça lorsque mes yeux se posèrent sur cette femme, les yeux gonflés, rouges, cette expression sur le visage, tremblante de toute part.
« Mme O’connell ! » Un florilège de questions m’envahir, la peur prit possession de mon corps et je pensais de suite à Lukà que je venais de quitter quelques heures plus tôt. C’était un soir comme les autres, on se retrouvait au bar, pour passer une bonne soirée entre amis, nous étions un petit groupe toujours le même, cela me permettait d’oublier ma sordide histoire avec ce Tyler, que je n’aimais pas, qui n’était pas fait pour moi, mais qui avait un joli petit cul. J’avais besoin de m’évader ce soir, j’avais besoin de recharger mes batteries, sortir des conneries autour des gens que j’aimais, sentir Lukà me prendre dans ses bras et passer une de mes mèches de cheveux derrière l’oreille. Les prendre en photo alors qu’ils ne disent que des conneries, délirer sur le serveur incompétent. Toutes ses choses qui font de la vie un joyau, mon équilibre pour réussir à avancer. Ce soir-là, comme toutes les soirées du genre, on buvait… Qui ne boit pas ? C’était une soirée comme tant d’autre, une soirée banale en soit… Une fois dehors, au moment de se quitter, je m’approchais de Lukà qui avait un peu forcé sur la bouteille ce soir, je pris sa main alors que Brian nous charriait encore…
« Bon les amoureux, on ne va pas dormir-là ! » Comme toujours, je le fusillais du regard, il ne comprenait pas… Le lien qui existait entre Lukà et moi, ce fils invisible qui nous liait, amoureux ? Le mot n’était pas assez fort pour exprimer ce que nous étions.
Malheureusement, il ne le comprenait pas et dans sa bouche, le mot amoureux, sonnait faux, comme si tout cela n’était pas assez fort, étrange. Je fis signe à Lukà que je pouvais les ramener tous les deux.
« Non Lukà, conduis pas je te raccompagne ! » M’ébouriffant les cheveux, il me lança son air sérieux, celui qui m’était difficile à contredire, il avait des supers pouvoirs !
« Nan… Nan, ça va impec’, je suis capable de conduire. » « Sur ?! » Il avait l’air bien, sur de lui… Okay… Je le pris dans mes bras, le serrant contre moi et fis la même chose avec Brian avant de m’éloigner à mon tour et de prendre les transports en commun, je ne vivais pas loin. Et voilà que sa mère était désormais devant moi et j’imaginais le pire… Elle ne me dit que le minimum, les mots, hôpitaux, accident, Lukà, état grave, me vinrent à l’esprit et aussitôt j’emmenais sa mère à l’hôpital pour le rejoindre… Les pires moments de ma vie à ce jour, dans ce couloir, je ne tenais pas en place, j’avais ce besoin de marcher, de me mordiller le pouce, harcelant toutes les infirmières qui passaient dans le coin pour avoir des nouvelles. Au bout d’une heure, j’appris la mort de Brian et je me sentis flétrir. D’ordinaire forte, je n’arrivais plus à reconnecter mes neurones, j’imaginais Lukà dans le même état, ma vie sans lui, sans le voir, sans le toucher, sans l’emmerder. Les moments que nous venions de passer apparaissaient devant mes yeux comme le gong de sa vie, non… J’aurai aimé me montrer plus forte, ne pas céder à cette tentation, laisser mes larmes couler le long de mes joues. Mais ce fut pire, je fondis en larmes, j’étais près de la machine à café, je glissais le long du mur, bloquant ma tête contre mes genoux, laissant mes larmes m’envahirent, il… J’hurlais parfois, mon corps prit de soubresauts envahissant. Il ne pouvait pas faire cela, nous quitter nous abandonner, il n’avait pas le droit de me laisser seule sans rien, ni personne, laisser sa petite sœur également, il n’était pas comme ça... Je n’avais même plus la force de sortir dehors me fumer une cigarette… Puis soudain, une personne se positionna devant moi, levant la tête, essuyant du revers de ma manche mon visage humide, c’était sa mère… Il était sorti d’affaire… Drôle de manière de vous dire la réalité. Qu’il se retrouverait désormais en chaise roulante… Et cela pour une durée indéterminée…
Ce n’est que le lendemain dans sa chambre, debout près de son lit que je pris réellement conscience du poids des choses, du regard qu’il posa sur moi la première fois que je l’ai vu, le vide dans son regard, la mort qui d’une certaine manière avait pris possession de son corps. Il n’était plus le Lukà que je connaissais, il n’était plus la même personne, comme d’habitude, je pris sa main, souriant… Pour le rassurer, pour me rassurer, malheureusement, il ôta sa main, première gifle que je me prenais en pleine gueule… Et me toisant du regard, il ouvrit la bouche, exécrablement…
« Va-t-en ! » Il détourna son regard, sa mère m’avait prévenu, qu’il était en état de choc… C’était bien pire que cela, il ne me regarda même pas… ravalant ma fierté, mes larmes par la même occasion, je m’installais sur le fauteuil, croisant les bras, je ne partirais pas… Même s’il me le hurlait… Au bout d’un moment, l’infirmière me demanda de le quitter, le silence régnant dans la pièce. Je me levais, m’approchais de la porte et ne le quittant pas, une volonté nouvelle, je susurrais entre mes lèvres.
« A demain Lukà ! »… Je ne lâcherais pas le morceau…
« Il y a un moment dans la vie où l’on se retrouve à la croisée des chemins.
Les choix qu’on fait à ces moments là peuvent déterminer toute le restant
De notre vie. Bien sûr face à l’inconnu, la plupart d’entre nous préfèrent
Faire demi-tour et rebrousser chemin. Moi, j’ai décidé d’avancer…
De continuer, même si j’ai peur… »
Six mois plus tard, une jeune femme assise dans le canapé de son minuscule appartement, un album photo sur les genoux, le regard vide. Six mois depuis ce triste jour, les choses ont-elles évoluées ? Dans un sens, oui, il n’est plus à l’hôpital, la vie continue, les cours continuent, les prises de tête avec ma mère également. Désormais, Lukà est bien différent, cloué dans sa chaise roulante, il se laisse aller. Il s’en veut, moi aussi… J’aurai du les ramener, j’aurai du faire quelque chose, mais il est trop tard et j’ai beau reconstruire le fils de cette nuit, je n’arrive à rien, la fin reste la même. Les histoires ne finissent jamais bien, une leçon de tout cela, les gens biens en bavent plus que d’ordinaire. Pourtant, je me bas… Je lui réponds, on s’engueule souvent, il me rejette, mais comme une amie, comme une Jude, je continue, j’avance, je reste… Je suis exécrable avec lui, voulant faire un électrochoc je ne sais, je fais tout pour retrouver ce lien qui nous unissait qui me manque, que j’aimerai tant retrouver. Il me manque… Sentant une larme couler le long de ma joue, je referme mon album, sur cette photo de lui, quand j’avais 16 ans, près des balançoires. Les pleurs ne servent à rien, avancer est le plus important… Avancer quoiqu’il puisse se passer… Se montrer forte, je suis forte… Il n’y arrivera pas, à me rejeter, on ne rejette pas Nevaeh Jude Harrisson de cette manière… Désolée, tu as tiré le mauvais ticket de loterie, je suis là et resterais là, maintenant… Seul l’avenir nous dira de quoi il est fait… Attendons & vivons…